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Chroniques
La traviata | La dévoyée
opéra de Giuseppe Verdi
Lorsqu’il s’est agi de proposer cette Traviata à mon planning parmesan, il a fallu justifier de l’intérêt de chroniquer une énième production du plus connu des opéras verdiens. Si c’est juste une date de plus dans un séjour, ce n’est pas très intéressant, résume à peu près l’opinion préalable de mon rédacteur en chef. Deux circonstances ont pesé dans la balance. D’abord, le spectacle est donné à Busseto, dans ce charmant théâtre qui porte le nom du compositeur en l’honneur duquel il fut tout spécialement construit, inaugurant son activité par Rigoletto et Un ballo in maschera (1868), le cigno ayant vu le jour dans un hameau de cette commune (Roncole) – le cremonese Luigi Secchi (1853-1921) a d’ailleurs réalisé une statue du musicien, qui siège face au fort Pallavicino abritant le théâtre. Ensuite, il réunit une équipe jeune, puisqu’il provient du Concorso internazionale Voci verdiane Città di Busseto (Concours international Voix verdiennes Ville de Busseto) et de l’European Opera-directing Prize (Prix européen de la mise en scène d’opéra) : le plateau vocal est donc constitué par les lauréats de cette première compétition, mis en situation par le vainqueur de la seconde. Présenté dans le cadre du Festival Verdi 2017, où nous applaudissions hier un passionnant Jérusalem [lire notre chronique de la veille], ce projet est une coproduction du Teatro comunale di Bologna, de la Fondazione Orchestra Haydn di Bolzano e Trento et du Teatro Regio de Parme.
Les trois gagnants du concours de mise en scène signent cette Traviata quelque peu high tech. Dans un décor d’Alberto Beltrame et des costumes d’Elena Beccaro, Andrea Bernard nous montre une Violetta chiquissime qui évolue dans le design dernier cri. De la vente aux enchères d’une photo amoureuse prise lorsqu’elle vivait la passion avec le baron, l’on passe à un loft aussi fonctionnel que déprimant. La courtisane s’envoie tour à tour des amphétamines et des somnifères, avec une détermination qui fait peur. Le vieux Germont est prêt à tout acheter et même racheter pour débarrasser son brillant rejeton de l’attrait érotique de la dame aux camélias (ne cherchez pas, ils ne sont pas venus). Le gamin est d’ailleurs lui aussi consommateur de tout ce qu’on veut. La jeunesse part à la dérive et les adultes s’en fichent, jusqu’à l’ultime prise d’une pilule par Violetta, fatale – en fait, la traditionnelle phtisie galopante a cédé la place à un gros souci psychologique dont le remède provoquera la mort par overdose.
Les voix ne déçoivent pas !
La fermeté calme de Claudio Levantino en Obigny est une bénédiction à elle seule. Avoir un Douphol aussi nuancé et musical que celui du baryton Carlo Checchi est un luxe remarquable. Le baryton-basse Marcello Rosiello compose un Germont vraiment détestable : bien chantant, le personnage est un monstre d’hypocrisie, au cynisme sans vergogne. La couleur riche et la stature attachante de Luisa Tambaro avantage Annina, c’est indéniable. Il est vaillant, son chant est facile, sa voix dorée ; il s’appelle Alessandro Viola et il incarne un Alfredo craquant. De cette cinquante-cinquième édition du concours Voci verdiane, Isabella Lee triomphait : elle est ce soir une Violetta convainquante dont l’interprétation vocale émeut plus que la fragilité imposée par la mise en scène, parfois surjouée.
L’équipe du Teatro comunale di Bologna se charge du reste.
D’une part les choristes parfaitement rôdés, que dirige Andrea Faidutti. De l’autre, le sensible Sebastiano Rolli, applaudi l’an dernier dans une rareté de Donizetti [lire notre chronique du 25 novembre 2016], mène habilement les instrumentistes bolognais dans une lecture extrêmement tendue. Bravo, maestro !
KO